samedi 15 mars 2014

Les Suzanis



Les suzanis sont de superbes tissus brodés d’Ouzbékistan.

Le suzani trouve son origine dans un mot persan signifiant "aiguille" ; il désigne un tissu en fin coton brodé de soie et servant de décoration murale ou de couvre-lit. Sa taille varie en fonction de son usage (couvre-lit, tapis de prière ou linceul), mais sa dimension est généralement d'un mètre et demi de large sur deux mètres vingt de long.



Les suzanis les plus anciens datent de la fin du dix-huitième et du début du dix-neuvième, mais ils existent probablement depuis de nombreux siècles.
 Le lieu de naissance du suzani est l' Ouzbékistan actuel, le long de la route de la soie, qui reliait l’Europe, le monde musulman et la Chine.

Le textile a toujours eu une place de choix en Asie centrale. La vie des nomades et des peuples sédentarisés y a toujours été difficile ; la terre y est aride et le seul matériau disponible en abondance est la laine de mouton. Les femmes fabriquent donc des tapis, des kilims, des tissus de selle, des berceaux, des sacs pour différents usages, des bandes de yourte…  Et chaque objet est décoré avec soin.

Dès leur plus jeune âge, les filles, aidées de leurs mères et de leurs parentes, doivent confectionner leur dot — essentiellement composée d’objets tissés, brodés ou noués. Elles montrent ainsi à la communauté combien elles sont habiles et patientes. La qualité des matériaux utilisés reflète également la richesse de la famille. Le textile a été et est toujours une ressource économique.

Des pièces tissées à la main sont utilisées comme toile de fond pour la broderie. Elles se présentent sous forme de bandes étroites. La plupart des pièces actuelles sont constituées d’un mélange de soie et de coton. Elles sont souvent légèrement teintes, ce qui leur donne une coloration beige pâle.
Pour les grand suzanis, plusieurs bandes de tissu sont tout d'abord sommairement cousues ensemble pour en tirer le patron. Ensuite, on les défait afin que deux ou plusieurs membres de la famille — ou les amies — puissent travailler simultanément sur la broderie. Lorsque, plus tard, les différentes parties sont rassemblées, les motifs ne s’ajustent pas toujours parfaitement. Des points supplémentaires sont alors ajoutés le long des coutures. La fabrication de chacune de ces pièces exige énormément de patience et de soin.
Les fils de broderie suzani sont en soie. Différents points de broderie sont utilisés mais, dans la majorité des cas, on retrouve les points satin (bosma ) et chaînette (yurma).










Après environ un siècle d'utilisation de colorants synthétiques en Asie centrale, les meilleurs ateliers d’Ouzbékistan sont aujourd’hui retournés aux teintures naturelles traditionnelles. Parmi les matériaux colorants utilisés, on trouve entre autres la garance, la cochenille, l’indigo, le noyer, le grenadier.
Les motifs du suzani viennent de très loin, grâce au commerce. Les familles aisées des villes de la route de la soie et des khanats de Boukhara et Kokand connaissaient depuis longtemps les textiles d'Inde, de Chine et de Perse, ainsi que les motifs décoratifs de l'Ouest. Depuis l'époque d'Alexandre, les influences helléniques avaient atteint l'Asie centrale et avaient poursuivi leur chemin jusqu’à se retrouver sur des tentures brodées dans de nombreuses villes d'oasis et même dans la céramique de la Chine des Ming. Les brocarts ottomans ont toujours été grandement appréciés en Asie centrale et la tulipe ottomane a fait son apparition dans les broderies anciennes et contemporaines.


Les gracieux motifs floraux dominent. Dans un paysage  désertique, oasis et jardins de palais sont particulièrement aimés, d’où la profusion de plantes et de fleurs de tout type apparaissant sous l'aiguille, parfois accompagnées de poissons et  d’oiseaux.


Avec la fin de l'ère soviétique, les occidentaux découvrent l’art textile d’Ouzbékistan ; dès lors le prix des tissus anciens monte rapidement. Le renouveau des formes et des techniques est favorisé par l’ouverture de nouveaux marchés. Aujourd’hui, de magnifiques broderies contemporaines ornent non seulement les maisons ouzbeks mais aussi les intérieurs européens et américains, et les talentueuses femmes ouzbèkes ont une nouvelle source de revenu pour leur ménage. Une grande partie de ce travail d'artisanat est réalisée dans les centres de Tachkent, Nurata, Samarcande, Boukhara et Chakhrisabz. Nous avons la chance d’avoir désormais accès à de beaux tissus modernes.